Voix du jeu : Portrait croisé de Paulux et Ultime-Boloss, commentateurs engagés
Dans les ligues de sports électroniques, on célèbre souvent les victoires des joueurs et la stratégie des entraîneurs. Mais derrière chaque moment fort capté à l’écran, une autre forme de talent s’exprime : celle des commentateurs, qui font vibrer les matchs, décodent l’action et partagent leur passion du jeu avec le public.
Lors du PandasLAN début juin, nous avons rencontré Paul “Paulux” Lemelin et Alexi “Ultime-Boloss” Frenette-Pouliot, deux commentateurs qui incarnent une nouvelle génération de voix du esports au Québec. À travers leurs parcours très différents, ils illustrent les défis, mais aussi la richesse humaine et éducative de cette fonction encore peu reconnue.
Paul “Paulux” à gauche et Alexi “Ultime-Boloss” à droite
Des joueurs passionnés avant tout
Chez Paul, tout commence avec World of Warcraft et Diablo, transmis par son père. Puis c’est sur Minecraft (mode Bedwars), Starcraft et League of Legends qu’il développe une pratique compétitive, mais parfois trop intense :
« J’y mettais tellement d’énergie que ça devenait malsain. Il a fallu que je m’arrête pour retrouver un équilibre. »
Ce recul lui a permis de redéfinir son lien au jeu : moins une quête de performance qu’une passion équilibrée, qu’il cultive désormais à travers le commentaire.
Pour Ultime-Boloss, tout commence avec une tablette offerte par sa mère. Puis viennent Terraria, Minecraft, Call of Duty, et surtout Overwatch, jeu qu’il découvre avec ses amis au secondaire :
« À l’école Champigny, on avait monté une équipe. C’est la seule année que l’école a participé à la LSSE, mais on a vécu une super expérience. »
Au Cégep de Ste-Foy, il rejoint l’équipe compétitive et remporte la LCSE en 2023-2024. Mais en 2e année, pris entre les études en Sciences de la nature et les soirées d’entraînement, il fait un choix : « J’ai toujours aimé parler, j’ai toujours regardé du esports... Alors je suis passé de l’autre côté. »
🎤 Trouver sa voix : le commentaire comme discipline
Pour Paul comme pour Alexi, commenter un match, ce n’est pas juste parler. C’est observer, comprendre, transmettre l’action, l’émotion, la stratégie. Et cela demande du travail, du temps, et beaucoup d’écoute.
Paul le dit simplement :
« J’y suis allé pour m’améliorer. Va vers les gens, dis que tu veux caster, puis commence. »
Il a littéralement tiré à pile ou face pour savoir s’il allait rejoindre le comité de diffusion du cégep. Il commence sur League of Legends, puis migre sur Overwatch, où il met à profit son énergie.
Un rôle encore trop invisible au Québec
Malgré leur implication, les deux jeunes hommes dressent un constat lucide sur la réalité du milieu au Québec :
Peu d’écoles ont des programmes de sports électroniques structurés.
Les parents sont encore nombreux à associer jeux vidéo et addiction, sans avenir professionnel.
Le casting est quasi exclusivement bénévole, à l’exception de quelques événements comme les finales de la LCSE où la FQSE propose une rémunération décente.
Alexi souligne le contraste avec les États-Unis :
« Là-bas, il y a des budgets, des parcours possibles. Ici, même en étant champion de la LCSE, il ne se passe rien. »
Et Paul ajoute :
« Pour percer, il faut presque penser à partir : aux USA, ou même en Corée du Sud. »
💡 Comment commencer ?
Malgré les obstacles, leur message est clair : il faut oser se lancer.
Les jeunes intéressés peuvent s'initier grâce à des ligues comme la LSSE ou la LCSE, ou à des services comme Gamer Mentor. L’important est de faire les premiers pas, même avec peu de moyens.
Paul résume bien la philosophie commune :
« Commence. Même si c’est toi seul avec ton micro, fais-le. »
Deux voix, un même engagement
Paul et Alexi ne sont pas juste des commentateurs. Ils sont des ambassadeurs passionnés, qui rappellent que le esports, ce n’est pas seulement jouer. C’est aussi animer, comprendre, transmettre, et créer du lien.
Grâce à eux, une partie encore trop discrète du sport électronique prend la parole. Et cette parole, il est temps de l’écouter.
Michael Daudignon, pour la FQSE.